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L’INACTION CLIMATIQUE : UNE PROMESSE D’AUTORITARISME

avril 13, 2022

Analyse d’un désastre annoncé


Les rapports d’experts sur la catastrophe climatique en cours se succèdent sans la moindre réaction des «responsables» politiques. En France, l’inaction climatique se poursuit malgré les multiples condamnations. Ce n’est pas un hasard ou une maladresse de la part de Macron, c’est une promesse d’autoritarisme.

La pandémie a été, par bien des aspects, une sorte de grande répétition générale. Toutes les mesures liberticides prises, surtout les plus absurdes, ont servi de test en grandeur nature de l’acceptation sociale de l’autoritarisme. La gestion macroniste est, à ce titre, exemplaire.

? Un «conseil de défense sanitaire» qui gouverne seul

Qui aurait pu imaginer seulement quelques années auparavant qu’un petit groupe décide de l’enfermement de la presque totalité de la population ou de l’imposition d’un passeport pour prendre un café à une terrasse? Le Conseil de défense sanitaire, dont le public ne connaît pas la composition exacte, a gouverné seul durant deux ans. Il a décidé des mesures les plus extrêmement liberticides hors de tous les cadres prévus pour face à une crise majeure. Et loin de chercher à être rapidement remplacé par des instances de décision plus ouvertes, il s’est installé dans la durée. Il a fait de l’exception la règle, de ses décisions la loi.

Ce Conseil, entièrement à la botte du président, a agi selon des critères avant tout politiques. En fonction des seuls intérêts électoraux de Macron. Ce dernier a donc balayé les différents conseils scientifiques qui, aussi questionnables fussent-ils, répondaient à une logique sanitaire. L’agenda électoral ne correspondant pas à l’agenda sanitaire, c’est le premier qui a dirigé le pays depuis deux ans. En revanche, il y a bien une science, ou pseudo-science, qui a été fortement mise à contribution par ce gouvernement: les «sciences comportementales».

? Gouverner par la manipulation des comportements

Les sciences comportementales ont été largement mobilisées à l’échelle du pays. Par exemple, les petits génies des cabinets de conseil ont pu observer dans le détail ce que provoquaient des injonctions absurdes ou contradictoires.

Ce n’est pas un secret ou une interprétation «complotiste» (quoique, à ce stade, on peut sérieusement se demander si tout ce qui dévie de la propagande de la Macronie ne sera pas immédiatement considéré comme «complotiste»). Eux-mêmes se félicitaient d’avoir imaginer cette fameuse «attestation dérogatoire de sortie» que chacun était obligé de remplir pour sortir. Même Kafka n’aurait pu imaginer une telle démarche kafkaïenne intériorisée. Cette injonction strictement absurde a cependant du sens pour la science comportementale. C’est une application du «nudge». BVA qui a, entre autre, inventé ces fameuses auto-attestations explique les principes de cette méthode de manipulation dans une petite vidéo promotionnelle. Une voix enjouée précise «en comprenant mieux les comportements humains dans leurs dimensions rationnelles et irrationnelles, le nudge permet de créer des actions plus efficaces pour modifier les comportements.»

? À la fois ineptes et assassins, les cabinets de conseil

Comment se justifie ce genre de manipulation des personnes ? Les gens qui l’appliquent sont convaincus d’agir pour le bien, d’influer le reste de la population –sans débat ni consentement- pour leur bien. D’un point de vue strictement sanitaire, la philosophe spécialiste en santé publique Barbara Stiegler explique qu’il s’agit d’une ineptie. Sans surprise, c’est avec la société que se construit une politique sanitaire efficace, et non contre ou sans elle.

Mais qui sont donc ces personnes convaincues de faire le bien en manipulant ? Le storrytelling (l’art de raconter des inepties pour donner du sens à une séquence politique, du genre «nous sommes en guerre» pour militariser une crise sanitaire) et le nudge sont les activités des désormais fameux cabinets de conseil. Ainsi, BVA a à la fois un institut de sondage et une équipe dédiée à influencer les comportements (BVA Nudge Consulting). Or les tendances au conformisme (à faire ce que les autres font) sont très fortes. Il est donc assez logique qu’une même entreprise vous assène des chiffres sur le comportement (par exemple électoral) de la majorité et, dans le même temps, vend sa supposée capacité à influencer les comportements. N’allez surtout pas croire que le sondage est un nudge (une manipulation du comportement en bon français), ce serait complotiste que d’y penser.

Autre exemple : McKinsey, bien sûr. Là, on touche au merveilleux. Ou au mauvais thriller. Si vous alliez voir un film dans lequel une bande de malfrats, qui reconnaît devant un tribunal sa responsabilité dans la vente de drogues ultra-addictives à des millions de personnes, soit contractée la scène suivante par un gouvernement pour s’occuper de la santé de ses administrés, vous penseriez qu’il s’agit d’un navet. Un mauvais film dont les scénaristes n’auraient pas le moindre sens du crédible. C’est pourtant exactement ce qu’il s’est passé.

En novembre 2020, des documents sont déposés à un tribunal fédéral de New York. Ceux-ci montrent comment le cabinet conseillait le labo Purdue Pharma pour qu’il vende plus de son antidouleur l’OxyContin, un opioïde extrêmement addictif. McKinsey savait très bien ce qu’il faisait. Et pour cause, il a été contracté par Purdue Pharma en 2008, après que le labo ait déjà été condamné (2007) pour son étiquetage mensonger de l’OxyContin n’indiquant pas son caractère addictif et les risques d’overdose. McKinsey a précisément été contracté afin de continuer à vendre ce produit qui avait déjà provoqué des dizaines de milliers d’overdoses. Et le cabinet a bien remplie sa mission, provoquant toujours plus d’overdoses et des millions d’addictions sévères. Il a même intégré les coûts des réclamations pour les morts provoquées à ses petits calculs qu’il remettait à Purdue Pharma, recommandant au labo d’offrir des ristournes aux distributeurs de l’OxyContin qui recevraient des plaintes.

Le 27 novembre 2020, le New York Times exposait dans ses pages les méthodes de McKinsey qui avaient provoqué de dizaines de milliers de morts. En décembre, le ministère de la Santé français engageait McKinsey pour concevoir sa «stratégie vaccinale».

? De la gestion autoritaire de la pandémie à la gestion autoritaire du désordre climatique

Il faut ici remarquer que les mêmes qui ont décidé de la gestion sanitaire ont aussi une solution -et une seule- pour sauver la planète. Emmanuel Macron postait le 22 avril 2021 une petite vidéo accompagnée d’un tweet de startupeur : «Le nerf de la guerre, c’est la finance. Avec elle, pour protéger notre planète, nous pouvons changer la donne. C’est du concret à travers les initiatives que nous avons engagées. Continuons. Accélérons. Nous devons le faire.»
Si vous comparez cette vidéo avec un rapport publié par McKinsey l’année d’avant (juillet 2020), vous y verrez exactement le même message et la même esthétique. Le message se résume par un «La finance sauvera le monde». Faire confiance à qui a détruit et continue de détruire tout le vivant sur Terre pour sauver la planète.

Choix baroque, convenons en. Mais, après tout, on pourrait penser que, effectivement, il suffirait d’investir différemment pour que le monde s’améliore. Donc, si la finance se dirigerait vers une économie écologiquement saine, elle participerait du sauvetage. C’est là très mal connaître la logique financière. La finance se nourrit des catastrophes qui sont autant d’opportunités de profit. Une pandémie se traduit par l’apparition de nouveaux milliardaires. Le monde littéralement irrespirable de demain (trois ans, selon le GIEC) sera une source d’enrichissement sans limite de quelques milliardaires. Un monde sain n’est pas rentable.

À la marge de ce cynisme absolu de la finance, il existe, il est vrai, des entreprises qui cherchent à développer et/ou commercialiser des produits moins nocifs pour la planète. Ces initiatives sont bienvenues d’où qu’elles viennent. Et la haute-finance investit parfois dessus mais elle s’en sert de cache-sexe à l’essentiel de son activité. Non pas qu’elle soit « méchante » et aurait décidé de la destruction de la planète à son profit. Elle est simplement incapable d’investir massivement à long terme car elle doit dégager des rendements gigantesques chaque année (les dividendes records distribuées aux actionnaires).

? Des crises sciemment non anticipées

Le réchauffement de la planète provoquera des crises multiples et à répétition. En l’absence de mesure afin de l’éviter et/ou de s’y préparer, chacune d’entre elles demandera des réponses drastiques dans l’urgence. La même urgence de la pandémie. Celle-ci aura permis d’établir des schémas de réponse drastique qui ne remettent pas en question ni les richesses des plus riches, ni la misère des plus pauvres.

Bien au contraire, après deux ans de pandémie les plus riches sont bien plus riches et les autres ont poursuivi leur paupérisation. Des mesures telles que des impôts exceptionnels ou même la réquisition de certaines infrastructures étaient parfaitement envisageables. Ou encore, un tel enfermement généralisé aurait pu déboucher sur un droit au logement pour tous (par simple mesure sanitaire préventive), ce n’est évidemment pas le cas.

Non, la pandémie a prouvé aux dominants qu’ils étaient en capacité d’imposer un schéma de domination en temps de grandes turbulences. Elle leur a permis d’inventer ou tester les mesures qui nous seront systématiquement appliqué durant les prochaines crises qui ne manqueront pas d’advenir du fait de l’inaction climatique. Il faut donc s’attendre à ce que l’état d’urgence soit permanent et qu’un «Conseil de Défense» (sanitaire ou militaire, peu importe) gouverne seul.


Références :