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RACISME, VIOLENCE : TÉMOIGNAGE D’UN JOURNALISTE INFILTRÉ DANS LA POLICE

septembre 3, 2020
L’image contient peut-être : texte qui dit ’VIOLENCES, RACISME, ESPRIT DE CORPS TÉMOIGNAGE D'UN JOURNALISTE INFIL TRÉ DANS LA POLICE VALENTIN GENDROT FLIC UNJOURNALISTE A INFILTRÉ LA POLICE OMNNN Goutted'Or’

– L’enquête choc sort aujourd’hui, nous avons pu la lire en avant première –

C’est dans le secret que les éditions Goutte d’or ont fait imprimer leur dernier livre qui sort aujourd’hui en librairie : « Flic, un journaliste a infiltré la police » de Valentin Gendrot. Et pour cause, il s’agit d’une véritable investigation au sein d’un commissariat du 19ème arrondissement de Paris. Le journaliste a déjà fait plusieurs infiltrations dans des entreprises en France pour son précédent livre (« Les enchaînés » aux éditions Arènes) dans lequel il relatait les conditions de vie des travailleurs précaires. L’immersion dans un Lidl avec une caméra cachée pour l’émission Cash investigation diffusée sur France 2, c’est également lui. Mais il avait un projet plus important en tête : passer la formation ADS (adjoint de sécurité ou policier contractuel) et intégrer l’équipe d’un commissariat de Paris. Une idée qui émerge après les manifestations de 2016 contre la Loi Travail.

Valentin Gendrot s’inscrit en 2017 à cette formation qui se déroule en trois mois. Le 24 novembre 2017 il devient officiellement policier. Il devra attendre un an avant d’intégrer un commissariat car il est d’abord affecté à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris. C’est là que la police envoie les personnes interpellées qui présentent des troubles psychiques. Après quinze mois à ce poste, il obtient enfin sa mutation au commissariat du 19ème arrondissement de Paris. Il se fixe un objectif : tenir encore six mois pour écrire ce livre. En tout, il passe deux ans de sa vie en infiltration, avec tous les sacrifices que cela implique.

Durant cette période, il est confronté à toute la violence et l’absurdité de l’institution policière. Et ce, dès sa formation express qui lui donnera le droit d’aller sur le terrain et de porter une arme automatique. Par exemple, le cours contre les violences conjugales ne dure que trois heures. Mais le plus inquiétant n’est pas tant le bâclage de l’enseignement que les personnes auxquelles le journaliste est confronté. Ses collègues : un catholique qui prie dans leur chambre et lui confie sans honte son passé de néo nazi, Mickaël qui déteste les Arabes et veut renvoyer tous les migrants chez eux, ou encore Alexis qui le réveille le matin en lui posant ses couilles sur le front. Des futurs flics.

A l’infirmerie de la préfecture de police de Paris, les conditions d’accueil sont catastrophiques : contention quasi systématique, absence de douches, de sonnettes dans les chambres, volets cassés. En 2019, un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté soulignait la confusion inquiétante du statut de cette institution unique en Europe : un service psychiatrique sous autorité policière. Mais la violence atteint surtout son apogée durant les six mois au commissariat du 19ème arrondissement. L’auteur est confronté au tabassage quotidien des gardés à vue, aux insultes racistes et sexistes de ses collègues, et à l’ennui de missions absurdes.

Premier jour, lors d’une permanence devant le commissariat : une femme se présente pour signaler les menaces de mort de son mari. Son collègue lui demande de rentrer chez elle, « la police ne peut rien faire ». A partir du 4ème jour, il a le droit d’aller en patrouille avec sa brigade. Les contrôles d’identité inutiles s’enchaînent, les remarques racistes aussi, et des trajets en voiture pour passer le temps. Un jour, sa brigade intervient dans un quartier, des jeunes écoutent de la musique et font trop de bruit. Très vite, son collègue s’énerve, il frappe sans raison l’un d’eux, seize ans, et l’embarque au poste dans un déchaînement d’insultes et de coups de poing. L’adolescent est placé en garde à vue. Il décide de porter plainte contre le policier. Le journaliste découvre alors que ses collègues se protègent mutuellement en faisant de fausses déclarations. Peu importe si le flic est en tort. La hiérarchie ferme les yeux. Ce tabassage n’est pas un cas isolé, mais personne ne dit rien. La brigade se serre les coudes et échange régulièrement des messages sur leur groupe de discussion WhatsApp. Les insultes y vont bon train : « pd de gilets jaunes », « anarchos de merde », « pays de mongoliens ». Il y a aussi Ludo, habilité à porter un pistolet mitrailleur. Alors qu’il est de permanence devant l’entrée du commissariat il s’amuse à viser avec son arme « pour rire », un ouvrier, une passante, un pigeon. Ces exemples, très nombreux, s’enchaînent dans ce livre jusqu’à la nausée. Usé par cette violence quotidienne, physique et verbale, Valentin Gendrot envisage même de démissionner plus tôt mais il tient les six mois.

Son enquête qui parait ce jour corrobore toutes les révélations de ces dernières années sur les violences policières et constitue un témoignage véritablement accablant.